Le passé et l'avenir ne font qu'un (pv Azuria)

Ecoutant les informations données par le conseil, Azuria réfléchissait en silence. Ses doigts gantés pianotaient sur l'accoudoir de sa chaise de marbre tandis que son regard scrutait tous les visages présents. Si des espions commençaient à rentrer dans les montagnes, ils risquaient d'avoir encore plus de problèmes à gérer. Fort heureusement, les décisions importantes étaient toujours prises ici, dans la salle du conseil. De l'extérieur, on ne pouvait rien entendre car la salle était taillée dans la roche la plus brute, empêchant n'importe quel mot de s'en échapper. Cependant, lorsque les initiatives étaient votées par l'ensemble des sages, toutes les troupes étaient mises au courant pour qu'elles puissent mettre en rigueur les ordres. Ainsi, les renseignements pouvaient être transmis à Dumcan par le biais de ses espions. Soupirant faiblement, la jeune femme sortit de ses réflexions pour reporter son attention sur le sujet de conversation. Darunia était en train d'énumérer toutes les tentatives faîtes pour soutirer de quelconques précisions à propos du Procureur ; toutes se soldant par un échec cuisant.

- Si ces vermines ne veulent pas parler, nous utiliserons la manière forte ! S'exclama soudain Nabooru avec sévérité.

- C'est hors de question, nous ne pouvons nous abaisser à cela. La torture est le moyen le plus ignoble qui soit et détruire un être vivant ne m'enchante guère, souligna Impa en fronçant les sourcils. Je refuse catégoriquement.

- Si s'infiltrer dans leur esprit est impossible, nous ne pouvons qu'espérer que ces hommes finissent par changer d'avis, fit remarquer la princesse. Qu'on les laisse pour le moment croupir quelque part... Il est impensable de les laisser partir, ils iraient rejoindre Dumcan aussitôt.

Quelques secondes s'écoulèrent. Un silence s'installa dans la pièce exigüe alors que chacun rassemblait ses arguments pour contester ce qui venait d'être dit. La magicienne ne le fit pas savoir, pensant que chacun avait son avis mais qu'elle partageait celui de sa nourrice. La torture était inacceptable et tant qu'elle serait au commande de cette armée, jamais elle n'utiliserait pareille méthode contre ses adversaires. C'était bas, fourbe et inhumain. Chacun pouvait contrer avec n'importe quel raisonnement : elle ne céderait pas sur ce point.

- Cela encouragerait le Procureur à en envoyer d'autres ! Si ceux-là ont échoué, il continuera et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il reçoive leur tête en se réveillant, cracha la Gérudo en se levant.

- Rassis-toi Nabooru... De toute façon tout cela est insensé, répliqua Saria qui se trouvait aux côtés de la sage de l'Esprit. Même s'il apprend leur mort, Dumcan n'hésitera pas à sacrifier d'autres vies pour servir ses intentions. Il veut à tout prix nous percer à jour et il insistera jusqu'à obtenir raison.

- Impa a raison, cela ne nous avancera à rien de les maltraiter car nous ne sommes même pas sûrs que cela marchera, ajouta Ruto en levant les yeux au ciel.

Et la discussion continua ainsi pendant plusieurs minutes jusqu'à ce qu'Azuria et Sieg rappellent à l'assemblée que cela n'avait que peu d'importance comparé au reste. Ils devaient encore trouver un moyen de battre leur ennemi avant que celui-ci ne retrouve des troupes et ne tente à nouveau une attaque. Si cela arrivait, ce serait le coup fatal aux rebelles qui ne pourraient se relever. La princesse s'éclaircit la gorge, demandant implicitement le silence au conseil. Se levant enfin alors que Nabooru s'était précédemment rassise, elle observa un instant ses interlocuteurs. Ils avaient les yeux rivés dans sa direction mais elle n'en prit pas compte. D'une voix calme et posée, elle déclara :

- En revenant du désert, j'ai remarqué que de nombreuses familles étaient arrivées. Nous devons tout d'abord leur trouver un logement. Ils ne peuvent décemment pas dormir dans le grand hall, ils seraient une proie facile lors d'une attaque surprise. Ensuite, maintenant que Dumcan n'a plus ses arquebuses, nous sommes revenus à armes égales et nous avons un avantage sur eux avec la magie qu'il a dénigré jusqu'à présent. Nous devons profiter de la désorganisation de l'armée blanche.

-La princesse a raison.

Sieg se leva et fit fièrement face au conseil face à lui. Il laissa l'écho de sa voix résonner quelques instants, et lorsque le silence l'eut étouffé, il regarda Azuria de ses fiers yeux bleus.

-Mais je ne suis pas d'accord sur un point. Nous sommes prêts à acceuillir toute personne veuillant nous aider à reprendre le pouvoir, mais nous ne pouvons pas accomplir de miracles. Le fait que de plus en plus de gens viennent peupler nos rangs est un avantage, cependant les montagnes ne sont pas infinies: Bientôt, nous n'aurons plus assez de chambre pour toutes les familles qui viennent dans l'espoir de trouver un toît et de la nourriture. Si nous continuons ainsi, notre Quartier Général sera surpeuplé et les vivres vont manquer.

Il désigna le parchemin sur lequel était dessiné la carte d'Hyrule.

-Comme nous l'avons dit, l'armée blanche vient d'essuyer une défaite. Ils n'ont plus d'arquebuses et nous avons la magie. C'est l'occasion rêvée pour lancer une attaque surprise. Dumcan contrôle toujours la majorité du Royaume, mais pendant qu'il est affaibli, profitons-en pour étandre notre territoire et le faire reculer.

Du doigt, il pointa la forêt Kokiri.

-Par exemple, la forêt Kokiri, qui a été dévastée par les miliciens il y a quelques semaine, n'est pas très bien occupée par Dumcan. Une treintaine de miliciens tout au plus doivent y être pour s'assurer de garder le territoire sous contrôle. Je suggère que nous y allions, que nous en reprenions possessions, et qu'avec l'aide de nos réfugiés Kokiris, nous la reboisions. Lorsque le village sera rebâti, nous pourrons y envoyer les familles qui n'ont pas de logements et les nouvelles qui nous rejoindrons. Si nous arrivons à faire la même chose avec d'autre territoires, comme le lac Hylia ou la plaine , non seulement il n'y aura plus de problème de surpopulation, mais nous forcerons les troupes de Dumcan à reculer.

- Cela risque de prendre beaucoup de temps, fit remarquer Darunia. La forêt est totalement dévastée… La reboiser nous demandera énormément d’hommes.

Chaque membre du conseil acquiesça, à l’exception de Saria. Cette dernière avait la tête baissée, songeuse à l'évocation de sa terre natale. Ce comportement n’échappa pas à Azuria qui porta un regard inquiet vers la sage. La destruction des bois devait être difficile à supporter. Tout les Kokiris étaient désormais morts ou réduits en esclavage. Quel triste sort pour un peuple qui vivait dans l’harmonie et dans le refus d’engendrer la violence sur autrui. Des siècles de vie, rasées en à peine deux heures… Comment pouvait-il tomber aussi bas ? Ce sujet semblait encore sensible pour la fillette qui fixait inlassablement ses deux mains jointes sous la table de pierre. Cette peine toucha l’elfe qui se leva à son tour avec majesté :

- Que cela prenne une journée ou trois semaines, peu importe. Il est impensable, si ce n'est criminel, de laisser la forêt Kokiri dans un tel état. Dumcan s’imagine que malgré sa défaite, il a porté un coup fatal à la Rébellion. La Citadelle est entre ses mains et il n’hésitera pas à enrôler de force les Hyliens. Si nous sauvons les autres races, nous aurons un soutient qui nous permettra de sauver le royaume de ce tyran.

- Les Zoras ne supportent plus de servir cet usurpateur, renchérit Ruto, la mine grave.

- Et les Kokiris ont besoin de notre aide, tout simplement. Les survivants ne le seront pas longtemps, prisonniers dans les cachots du château, souligna la Sheikah qui était bien la première à connaître le sort réservé aux captifs du Procureur.

Ces derniers mots firent réagir Saria qui leva les yeux dans lesquels se lisait une angoisse sans pareille. Son visage d’enfant la rendait fragile, complètement désemparée. Elle ne se leva pas, contrairement à ce que tout le monde attendait. Un instant, ce fut le silence complet. Puis, discrètement, un sourire naquît sur les lèvres pâles de la sage.

- Vous avez raison, déclara Saria de sa voix fluette. Nous allons faire tout notre possible pour sauver la forêt. Grâce à cela, les familles réfugiées auront un toit où dormir et de la nourriture pour survivre.

- Dans ce cas, ne donnons pas l'occasion à notre adversaire de se relever, ajouta Azuria en croisant le regard de Sieg, puisant son courage dans les deux yeux magnifiques qui l'observaient. Quand pourrons-nous préparer l'assaut du campement ennemi ?

- Dès demain princesse, répondit aussitôt Darunia tandis que ses gros doigts pianotaient sur la table. Je tiens à ce que trois de mes plus fidèles guerriers vous accompagnent. Trop de temps s'est écoulé depuis que les gorons ont quitté les montagnes au profit d'une telle mission.