Venez écouter sa dernière confession [PV à qui connait Rey]

"Ssssssssssshhhhhhhhhhhhh…

Le sifflement perturbateur des jets d'acide couvrait les plaines désolées de son tintement incessant. Les projections verticales semblaient être les seules choses capables de soutenir la lourde couche de nuages noirs, l'empêchant par intervalles réguliers de venir s'écraser dans un grondement céleste sur les terres noires, témoins millénaires des plus grande batailles qu'aie pu connaître le continent.

Sssssshhhhhh !

Les failles d'acide se passèrent rapidement le mot par de brefs jets. Un intrus parcourait leur territoire, visiblement à la recherche de quelque-chose d'important. Mais pourtant, rien n'avait été perdu ici, si ce n'étaient des millions, voire des milliards de vies. Noir sur noir, l'étranger se confondait avec le paysage, seuls les failles lumineuses et la terre qu'il foulait pouvaient distinguer sa présence si inattendue. Ou presque. Cet être n'était-il pas déjà venu ici plusieurs fois en quête de quelques réconforts plus ou moins discutables ? Oh que si, et croyez-moi, il y retourne bien pour se soulager à nouveau des poids qui lui pesaient sur l'esprit. Mais qui était-ce ? Pas compliqué de deviner. C'était moi. Resmey Warand, pour vous servir. Ou non. Ca dépend de votre jugement de ma valeur et du mien.

On m'a toujours dit que j'avais un côté pessimiste quand je faisais une crise de dépression. Rien que ça, "pessimiste" ? "Fataliste" plutôt, nous n'avons pas la même mesure des choses, vous ne vivez pas ce que je vis. Et encore, qu'est-ce qui vous prouve que je ne vois pas tout en gris même quand je raille et démembre ? Qu'importe, seules trois personnes se préoccupaient de ma "vie". L'une était morte, l'autre partie, la dernière restait désespérée par mon cas. Et pourtant, Dieu sait si elle s'accrochait, ma Evan, si elle ne manquait pas de me couper la circulation de la jambe à force de s'y agripper, histoire de ne pas me laisser suivre ce que me dictait mon âme lunatique. Ne vous méprenez pas, je raille et je me bat, mais jamais je ne cache ma vraie apparence sous une carapace psychologique quelconque. A vrai dire, tout est Moi, c'est juste que j'adopte un comportement différent selon la situation. Élémentaire.

J'arrivai à ce moment quelque-part vers la partie la plus reculée des plaines, là où très peu de gens allaient, s'intéressant plutôt aux combats qui se déroulaient au centre des terres grises. Je n'avais encore jamais vu ce gouffre près duquel j'étais entrain de m'approcher, l'acide sifflant ma folie derrière moi.

J'avais quitté Evan il y a quelques jours déjà. Je m'étais enfermée dans mon miteux petit deux pièces adoré. Devaient encore y traîner maintes bouteilles de liquides plus ou moins suspects. Vides, d'ailleurs. Alcoolique, psychopathe, dépressive… Décidément, j'avais la totale. L'alcool et la guerre étaient mes seules occupations. Ceux qui connaissaient la légende de la Traqueuse, ou la Traqueuse elle-même le savaient bien. Mais ce qu'ils ne savaient pas, c'est combien ces passe-temps étaient plus ou moins relaxant. Enfin, pour moi, puisque souvent et dans les deux cas, c'était ceux qui étaient présents qui trinquaient de ma folie. Alors voici ce que j'étais, la folie incarnée ? Tu parles d'une aubaine !

Je compris pourquoi j'avais l'impression qu'on me fuyait, avant. Ce n'était d'ailleurs pas qu'une impression. Sans doute aussi l'absence de féminisme en faisait tiquer plus d'un. C'est bien pour ça que je me suis toujours comparée à une machine de guerre sans réels ennemis, sans réels alliés, juste des proies, des ravitailleurs, et pas de sentiments. Oui, là, je m'étais construite une carapace. Mais c'était fini ça, maintenant. Depuis que j'ai revu Evangeline Réaltia, ma première et meilleure amie, mon contraire tout craché, ma sœur magique. Et surtout depuis que j'ai rencontré Murtagh, le chef Varden. Ah, celui-là… Il a été courageux de s'accrocher à ma cape, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, le pauvre ! Et à force de s'accrocher, il a fini par me faire ralentir, m'arrêter, et regardez un peu où on en était rendus, aujourd'hui.

Toujours marchant droit devant et ignorant les rumeurs d'acide qui couraient derrière moi, je baissai les yeux sur ma main gauche. Une bague. LA bague. Celle de notre mariage. Ma gorge se noua, mon allure ralentit, mais mon visage resta parfaitement impassible. Dès son retour, on se mariera. N'est-ce pas ce que toute femme "normale" aurait souhaité ? Bien sûr que si, et moi aussi, çà été mon tour d'accepter de passer le reste de ma vie auprès de Murtagh. Fais gaffe à tes légions, l'Empire, les 5lames vont te faire souffrir, maintenant qu'elles seront réunies ! Celui que j'appelle "mon supérieur" m'a demandé ma main (dire ce truc me fait assez bizarre) avant de partir chez les elfes noirs. Ah ! Vous auriez vu ça ! On aurait dit un de ces passages de contes elfiques où le chevalier laisse sa dame pour quelque quête épique, lui passant la bague au doigt comme un au-revoir. Ces pauvres bougres ne savaient-ils donc pas que cet "au-revoir" se transformait en "adieu" ? N'avaient-ils pas lu assez de contes pour savoir comment cela se terminait ? C'est pourtant vrai, je réfléchis un peu trop. Et après on se demande comment je peux être aussi négative… Bref. Tout ça pour dire que, malgré ses promesses, je ramasserai sans doute mon chef à la petite cuillère, sympa comme cadeau ! Non, franchement, qui a écrit ces légendes idiotes ? C'est à vous dégoûter d'avoir une relation sérieuse !

Hé hé hé… Ça avait quelque-chose de comique, cette situation. Je faisais une petite ballade "de santé" dans l'endroit le moins recommandé pour cet usage et vous voyez un peu à quoi je pensais ? Des réflexions sur les contes, ah ! Non mais vraiment, je devais être plus au fond du gouffre que je ne le croyais pour en être arrivée là…

Sssssssshhhhhhhhh…

Oui, même les failles d'acide commençaient à trouver mes réflexions pathétiques. Mais je ne leur avais jamais demandé de lire dans mon esprit, c'étaient elles qui se mettaient en danger ! En parlant de danger, je vis un instant un oiseau blessé virevolter entre les jets brûlants. Il finit par s'en prendre un. Il ne souffrait plus, tombant déformé sur les cendres de la terre. Tiens, lui aussi avait décidé de venir ici dans ce but ? Diantre, que le monde est étrange. Je repris ma route, et j'arrivai enfin au bord du gouffre. Ce n'était pas un petit fossé comme on en creuse en guerre, truffé de pièges diverses. Non, c'était vraiment une bouche béante prête à avaler tout cru tout ce qui basculerait dedans. Noir et profond. Ah ? Non, pas exactement. Me penchant sans grande prudence, je pu voir au fond un petit filet luisant. Lave ? Acide et feu ? Aucune idée.

Les choses sérieuses commencèrent ici. Ma tignasse noire se mit à danser avec le souffre que charriait un vent sortant du gouffre, comme la respiration de quelque géant dont le sommeil même n'avait jamais été perturbé par les guerres entre les peuples. J'enlevai mes épées de douze kilos chacune de mes fourreaux et les plantai au bord de la falaise, entre-coisées verticalement en un X qui ressemblait à ces mémoriaux, ces tombes et tombeaux de grands chefs, ou qui sais-je ! C'était le but. J'enlevai ensuite ma cape noire, découvrant mes habits noirs et l'accrochai par la capuche sur les pommeaux noirs de mes épées noires. Que ceux qui disent que le noir est synonyme de Mal aillent voir ailleurs si j'y suis !

D'ailleurs, je ne changeais jamais de vêtements : je les lavais, c'est tout. Je ne changeais jamais non plus de coiffure : mes cheveux ne me gênaient pas. Quand au maquillage, ça ne sert à rien et c'est une perte de temps qui ne vous sauvera pas la vie. Mais pourquoi les pathétiques spécimens de la gent féminine se peinturaient les yeux, voire le visage ? "Pour faire ressortir leurs atouts" ? "Pour cacher leurs défauts" ? "Pour paraître ce qu'elles ne sont pas" ? C'est désolant. Suis-je donc la seule "femme" au monde à me contenter de ce que je suis ? Allez toutes crever, superficielles. Moi je survis, je m'efforce même de vivre, alors si vous voulez vous préoccuper de votre joli minois, allez le faire en Enfer. De toute manière, je ne peux pas me maquiller, hormis le fait que je trouve ça particulièrement pitoyable. N'oubliez pas : je suis blessée à vie. Ma cicatrice. D'accord, j'en ai sur tout le corps, je n'ai pas la chance d'avoir une peau aussi parfaite que celle d'Evangeline, mais celle que je porte à l'œil comme une marque de mon existence me rappelle souvent combien ma vie est illusoire dans le cycle du Monde. Si je meure, tandis que quelques larmes tomberont pour moi (merci à leurs propriétaires), un autre Néant magique naîtra et prendra ma place, ainsi l'équilibre sera sauvegardé. Et pendant que je pense cela, des filles se fabriquent un masque de poudre et d'autres se cachent sous de jolies robes. D'autres encore s'achètent des bijoux pour "briller en société", comme on dit, et même les plus solides guerrières en raffolent, tout comme le reste, d'ailleurs. Je n'ai jamais possédé de bijou depuis que je suis née de parents bourgeois lèches-bottes et que j'ai grandi auprès de l'Empereur lui-même. A vrai dire, les seuls et uniques trucs brillants que je trimballais depuis tout ce temps étaient mes épées. Oh, bien sûr, il y avait la bague, Sa bague, mais ça c'était récent et symbolique, pas esthétique.

Voici ce que Raphaël, le frère d'Almarane m'avait dit après de le départ de Murtagh : "Je serais vous, je n'attacherais pas trop d'importance à ce qui entoure votre doigt, ni à son symbole. Les prochains mois vont être longs et remplis d'embûches, et votre supérieur risque de ne pas être là pour vous aider, Resmey Warand…" Almarane pensait exactement la même chose. Et ça n'avait rien de rassurant. A vrai dire, j'en avais perdu le sommeil pendant plusieurs nuits au point de me lever chaque jour avec des cernes toujours un peu plus noires. Murtagh n'acceptera la mort que lorsqu'il sera confronté à l'Empereur. Mais sa volonté lui suffira-t-il à survivre si jamais il a des embrouilles avec ces fichus elfes noirs ? Allez savoir… Ça n'aurait pas été la première fois qu'il serait arrivé quelque-chose de nuisible à ma santé mentale, mais je dû avouer que je n'avais encore jamais connu un événement qui me ferait autant plonger dans la folie dépressionnaire.

"Anastasia n'est pas ma nièce, elle ne m'a vu qu'une seule et unique fois, je ne suis que la meilleure amie de sa mère adoptive. Murtagh n'a pas besoin de moi, il est déjà trop absorbé par ses obligations et son entraînement."
Tiens ? Pourquoi entendais-je d'un coup ce que j'avais pensé en compagnie d'Evangeline ? J'ai été terriblement stupide de dire ça, et mon amie me l'avait bien fait comprendre. Diantre, on dirait pas comme ça, mais elle a un sacré coup dans les mains ! Bien sûr que si, Ana était ma nièce. C'était vrai, je ne la connaissais pas, elle ne me connaissait pas non plus, mais a-t-on vraiment besoin de se connaître pour aimer sa "famille" ? Quant à Murtagh, évidemment qu'il avait besoin de moi. Sinon, que faisait cet anneau à mon doigt ? Juste pour faire joli ? Je ne crois pas, non. D'autant plus qu'il n'était pas facile de devenir l'un de ses proches, à celui-là. Mais alors, pourquoi me sentais-je plus inutile encore ? Hormis apporter des problèmes, et cela même malgré le raisonnement qu'Evan m'avait fait entrer dans le crâne, je ne voyais décidément pas ce que j'avais pu faire. Et puis je n'ai pas connu grand monde.

L'Exécuteur avait des contrats à remplir, Sazarow des gens à aider, Barlok des combats à gagner, Orfink une vie à mener, Almarane des problèmes à régler, Cibelule un but à atteindre. Evangeline devait s'occuper de sa famille et de ses pouvoirs, Wyrdia devait protéger ceux qui en avaient besoin, Anastasia devait grandir et devenir une bonne magicienne. A quoi avais-je servi pour eux jusqu'ici ? Je serai restée sur Terre si je leur avais apporté quelque-chose. Oui, je pense trop. Et c'est sans doute ce qui causa ma perte."




(suite au prochain message)

"Laissant les objets qui m'avaient accompagnés toute ma vie assemblés en une sculpture funèbre, je m'approchai dangereusement du bord de la falaise et ferma les yeux, laissant un instant le vent suffocant venir fouetter mon visage froid. Je pensais à la mort. Comment Mortaz avait-il vécu la sienne ? Mortaz, mon bel ami, mon doux ami... Aveuglé par une haine sans raison je t'ai tué... Mais pourquoi ? Pourquoi tu ne me l'avais pas dit avant que je te tue ? Pourquoi as-tu pris ma lame à pleine main ? Pourquoi t'y es-tu empalé ? Non, je ne l'aimais pas comme j'aimais Murtagh, mais il était plus qu'un frère. Et j'ai organisé son meurtre comme un loup tiendrait une embuscade. Mais la proie s'y était précipitée tout en sachant le danger, juste pour satisfaire son prédateur. J'étais d'un égoïsme troublant. J'arrivais à manipuler les autres sans même que j'en ai la moindre intention.

Je me rapprochai encore du bord, des petits fragments de terre se détachant du haut de la falaise sous mes pieds déjà à moitié dans le vide. C'est dingue comme on arrête de penser, dans ce genre d'instants. Une minutes passa. Puis deux. Murtagh ! Je finis par reculer un peu, faisant tourner entre mes doigts l'anneau noir et sa pierre verte. Il avait fait une promesse, celle de revenir. Je savais qu'il ne se laisserait tuer que par une seule et unique personne. C'était pour ça qu'il voulait nous préparer à sceller notre alliance avant de partir, pour être sûr de ne pas me perdre entre-temps. Je n'en avais parlé à personne, complexe d'infériorité oblige. Comme si, malgré ce qu'éprouvait le chef Varden pour moi, je ne pansais pas mériter pas un rang aussi élevé. Seule ma magicienne préférée le savait, par intermédiaire. Bon, d'accord, il y en avait aussi deux ou trois autres, mais je ne les savais pas aussi observateurs.

J'avançai :
Qu'est-ce que ça changera, qu'on soit mariés ou non ? Hormis les cadeaux de la fête (si tant est qu'il y en ait une), j'avais du mal à imaginer.
Je reculai :
Plus chacun dans son coin de petit appartement, vive le lit commun et le bordel universel !
J'avançai :
C'étaient quoi ces pensées enthousiastes ? Depuis que je suis enthousiaste, moi ? Comment ? "Depuis que t'as une sœur et un fiancé" ? Vous en avez de bonnes, vous ! Bande de p'tits rigolos, va.
Un de mes pieds commença à pendre dans le vide.
Comme si l'amour et le soutient pouvaient suffire à guérir une dépression psychologique acquise de naissance.
…
Et si c'était le cas ?
Je n'eus pas le temps de reculer devant cette possibilité. Quelque-chose m'avait poussé dans le gouffre. Mon anneau avait glissé, il était maintenant posé au bord de la falaise de laquelle je tombais, comme regardant sans pouvoir rien faire la chute de celle qui l'avait fait exister, les épées et la cape tremblant d'effroi en concert avec lui pour ce qui m'arrivait. Je me sentais terriblement légère. Mon corps entier se faisait fouetter par les lanières du vent de la chute, la faible lumière qui perçait les nuages se faisait remplacer par l'obscurité. Je fonçais droit vers le filet de lave ou d'acide qui éclairait un peu le fond du gouffre. Je ne criai pas. A quoi ça m'aurait servi ? Personne n'aurait pu m'entendre. Ma cicatrice se rouvrit douloureusement et se mit à saigner, teintant tout mon visage de rouge. Je du fermer mon œil pour ne pas que le sang s'y installe.

Le lourd sifflement de la chute faillit bien me crever les tympans. Mon cœur manquait de faire un infarctus. Ça avait une certaine ironie. Moi qui avait cherché toute ma vie à mettre fin à mes jours, me voilà refusant d'en finir pour de bon. Des passages de l'existence que j'avais mené défilèrent comme un livre d'images devant mon œil encore ouvert, bien que plissé par la violence du vent. J'en avais la larme qui roulait sur la joue. Comment avais-je pu être ainsi ? Je n'avais jamais compris que les autres me voyaient comme ça, trop enfermée dans mon pessimisme. A force de savoir que j'avais un problème, là-dedans, j'ai fini par m'y barricader, comme une sorte de prétexte à toutes les conneries que je pouvais faire ou que je faisais.

Des visages, souriants ou non, heureux ou souffrants, des personnes que j'avais rencontré au cours de mes errances. Je ne savais pas que j'en avais rencontré autant. Alors Evangeline avait bel et bien raison. Murtagh, j'ai enfin compris ce que je faisais sur cette foutue Terre ! Je savais enfin pourquoi l'Enfer ne voulait pas de mon sang ! Murtagh, Murtagh, pardonne-moi ! Tu tiendras ta promesse et je n'aurais pas tenu la mienne, celle que j'ai fait à Sazarow ! (Pardonne-moi aussi, Sazarow !) Murtagh, quand tu reviendras tu pourras me maudire et maudire le malheur qui m'a poussée ! C'était bien lui, mon assassin, c'était lui qui m'avait fait basculer dans ce gouffre qui me semblait sans fond, sans fin. Il ne voulait pas me voir goûter enfin à une vie un peu plus sereine. Sale bête. Le malheur est comme une sangsue. Dès l'instant où il s'accroche à vous, seule une personne extérieure peu vous en débarrasser. A la longue, la ténacité d'Evan et la proximité de Murtagh avaient fini par me l'arracher, sans compter les courageuses connaissances faites entre-temps. Et me voilà entrain de plonger, un œil en sang, un œil en larmes. J'allais dans les bras de la Mort. J'aurais préféré pouvoir me jeter dans ceux de mon supérieur le moment venu.

Bon sang, qu'elle durait longtemps, cette chute ! Plus je tombais, plus ma vie défilait, plus je la trouvait terriblement misérable, pathétique. Je ne pensais pas l'avoir tant loupée… Mais je n'eus pas le temps de réfléchir plus, un voile noir passant soudain devant mon œil ouvert. La fin ? Déjà ?
Evan, Sazarow, l'Exé, et même Cib... Murtagh, je t'aime. Pardon."




Elle heurta quelque-chose de dur et froid. Et sombra.
Personne ne la revit, même un mois plus tard, tandis que ses épées restaient plantées dans la terre, que sa cape claquait sous le vent et que son anneau pleurait au bord du précipice. Qui s'apercevrait de sa disparition ? Qui viendrait voir l'autel improvisé près du gouffre ? Ce fut pourtant ce qui finit par arriver…








(Compte tenu de la longueur de la confession, le double-post a été autorisé par Murtagh.)

Almarane errait. Le paysage était vraiment morbide... Tout comme son âme en cet instant.
Resmey Warand n'avait plus donné signe de vie depuis plusieurs semaines. Même en connaissant le tempérament de son amie, elle savait que Rey serait revenue pour l'aider à s'occuper des Vardens s'il ne lui était rien arrivée. Mais la Faucheuse n'était pas revenue à Farthen Dur...
La princesse maudite avait demandé à Raphaël de ne pas venir avec elle. Elle avait besoin d'être seule. Elle était vraiment inquiète...
C'est alors qu'elle la vit au loin, claquant à cause des bourrasques de vent. Almarane plissa les yeux, n'osant pas croire ce qu'elle voyait.
Mais cela ne faisait aucun doute. C'était bien sa cape.
Se précipitant vers l'ombre lointaine, elle finit par l'atteindre après quelques minutes de course. Elle s'arrêta en dérapant, manquant de tomber dans le gouffre béant qui semblait limiter un secteur. Deux épées étaient plantées dans le sol, entrecroisées, la cape de Rey accrochée à elles. Avisant quelque chose de brillant, Almarane s'accroupit pour ramasser l'anneau que Murtagh avait offert à la jeune femme le jour de son départ. Le jour où elle avait dût boxer un lit pour se calmer et où elle avait été brutale avec Yealen et Resmey...
- Resmey !!! appela-t-elle désespérément, mettant ses mains en porte-voix.
Seuls le silence pesant et les sifflements des geysers lui répondirent.
Si elle avait sut que Rey était dans le gouffre, Almarane aurait immédiatement sauté dedans pour la secourir. Malheureusement, elle n'en savait rien.
Inspectant les alentours, rien ne montrait la présence d'une quelconque autre source de vie. Almarane regarda ensuite les épées et la cape. Peut-être Rey avait-elle choisit de quitter l'Alagaësia comme l'Elfe noire avait fait pour Maknar...
Elle regarda à nouveau la bague noire au joyau vert. Non, Rey ne serait jamais partie sans la bague...
Almarane envoya un message télépathique à tous ceux qu'elle connaissait. Evangeline, Wyrdia, Sazarow, Akihra, Archibald, Raphaël, Yealen, Biofanesse, et tous les autres. Elle les appella tous, sauf Murtagh qui était hors de porté des communications télépathiques, leur disant de la rejoindre le plus vite possible...

Pour seule réponse, Almarane tendit la bague de Resmey à Evangeline et lui montra d'un geste du bras les épées et la cape. Elle savait que Evangeline risquait d'éclater en sanglot, mais l'Elfe noire maudite n'aimai pas dissimuler la vérité à ses amis, sauf si cela était vraiment nécessaire...
Néanmoins, elle déclara d'un ton grâve :
- Resmey ne serait pas partie sans cette bague... Il a dût se passer quelque chose de très important. Ca m'étonnerait fortement qu'elle soit... hahumm... "perdue"....
Almarane parlait avec un vocabulaire soutenu, ce qui signifiait qu'elle était plus sérieuse que jamais. Elle essayait d'éviter le mot "morte" pour ne pas traumatiser Evangeline, mais ce n'était pas facile puisque la plupart de ses hypothèses, dont certaines étaient farfelues, impliquaient cette situation...

- Je ne pense pas qu'elle soit morte. Mourante peut être mais pas morte. Et elle doit être proche et lointaine a la fois...

Cibelule avait senti la disparition de Rey a l'aide de l'odeur et le gout du sang de cette dernière(qu'il avait goute lors de leur dernier affrontement). Il n'aurait peut être pas du être ici mais...sans vraiment savoir pourquoi, il voulait aider Resmey. Elle ne lui etait pourtant d'aucune utilité...Peut être un soupçon d'humanité en Cibelule?

- Comme dans ce gouffre. Au fond.

Un rugissement retentit dans une grotte, en bas d'un gouffre sulfureux, faisant trembler l'air et la pierre.

- Bordel, remets-toi !

Les échos du hurlement firent même vibrer le corps inanimé d'une étrange masse noire, rouge et blanche, qui reposait aux pieds d'une gigantesque créature noire à l'aura de violence et de détermination. Un autre grondement sourd résonna dans la caverne, découvrant des dents longues et coupantes comme des dagues.

- Y a du monde qui te cherche, là-haut !

Des bruits étouffés parvinrent à ses oreilles. Le noir qui avait prit possession de sa vue sembla peu à peu se dissiper pour devenir moins lourd, moins pesant. Il lui fallut du temps pour revenir de son long et fatiguant voyage avec la Mort. Sa poitrine la brûlait. La brûlure du froid. En fait, tout la brûlait, comme si elle avait séjourné longtemps dans la glace. Son sein finit par se soulever, lentement d'abord, tentant de se réhabituer au rythme de sa respiration retrouvée. Un courant chaud lui fut soufflé sur le corps, venant des naseaux puissants de la créature. Peu à peu, ses esprits se rallièrent et ses perceptions revinrent. Enfin, elle sortit de son long coma pour ouvrir à demi l'un de ses yeux, n'ayant pas encore la force de penser.

- Eh ben quand-même ! Un mois que tu squattes chez moi et c'est maintenant que tu te remets ! Ménage-toi, ma grande !

Bon sang, qu'est-ce-qu'elle avait mal… Au dos et au buste, surtout. A-t-on mal au paradis ? Souffre-t-on si peu en Enfer ?

- Mais non t'es pas en haut, ni en bas, t'es pile au milieu. Me regarde pas avec cet air de gamine écervelée, tu peux très bien comprendre toute seule.

Le temps que son cerveau aussi se remette en marche, elle rouvrit pleinement son oeil et détailla ce qui se trouvait au-dessus d'elle. Diantre, c'était énorme… C'était… Gigantesque ! Et noir, aussi. Oui, très noir, hormis deux lueurs jaunes-orangées et quelques éclats blancs. Dents, épées, cornes, griffes, qu'en savait-elle ? Elle venait tout juste de se réveiller.

- Les humanoïdes sont décidément si fragiles… Enfin, j'avoue que survivre à une chute pareille, même pour une solide comme moi, c'est plutôt pas mal pour une pauvre humaine.

- Où…

Le mot fut si difficile à prononcer ! D'ailleurs, ce n'était pas un mot, c'était un murmure rauque, faute de pouvoir refaire fonctionner ses cordes vocales comme avant.

- Dans une grotte, dans le mur de la falaise de laquelle tu as sauté. Quelle idée, aussi… Non, franchement, ta vie était-elle si grave pour que tu en sois arrivée là ?

- Quoi…

- "Qui" ! Un peu plus de respect pour ton aînée, petite ! Enfin, une dragonne, si c'est ce que tu veux savoir. Je te rassure, je n'aime pas la chair humaine.

- Comment…

- Tu vas toutes me les faire ? Un coup de chance. Je suis passée juste dans la trajectoire de ta chute avant que tu ne plonges dans l'acide fluorescent qui coule en bas. Autre chose ?

- Evan, Alma ! Murtagh !

Elle se redressa brutalement, ayant maintenant repris tous ses sens, tous ses esprits, mais pas tout à fait toutes ses capacités puisqu'elle retomba aussitôt sur la pierre dure et froide. Ouch… Elle ne se souvenait plus de grand chose, mais…

- Hein ? C'est qui ceux-là ? Qu'importe. Tu n'es pas belle à voir, mais tu es en vie. Et on dit "merci", hein.

- Ouais… Ouais, merci…

Elle tenta de s'asseoir, ses muscles encore tremblants de froid et de douleur. Elle était donc bien en vie… Elle sentait une odeur âpre de fer sur elle. Touchant son œil gauche d'une main encore mal assurée, elle comprit. Les deux yeux jaunes luisant devant elle clignèrent.

- Pardon, j'ai de trop grosses griffes pour avoir pu t'arranger ça, mais tu vas pas en devenir borgne pour autant, hein ?

L'imposante dragonne souffla une fois encore de l'air chaud sur elle, pauvre petite chose frigorifiée après un mois de mort. Un appendice dur et froid, parcouru de pics, vint l'enserrer et la souleva doucement pour la faire mettre debout. S'assurant qu'elle avait repris assez de force dans ses jambes pour tenir, la dragonne retira sa queue et la laissa s'appuyer sur son énorme patte.

- Eh, t'as intérêt à survivre, c'est pas pour rien que je t'ai sauvée.

Elle se tenait la tête d'une main.

- Je croyais que c'était un coup de chance ?

- Jusqu'à-ce-que ta nature se confirme, je me suis tenue à cette version.

- Ma "nature" ?

- Tu es le Néant magique de notre époque, non ?

- Hein ? Tu sais ce qu'est un Néant magique ???

- Evidement minus, tu me prends pour une ignarde ? Quand on a plus de deux siècles, on en sait des choses !

La dragonne dont la face était couverte de cicatrices presque entrain de luire dans le noir sembla réfléchir un instant.

- Alors c'est bien toi, Resmey Warand… C'est bien ton appel qui m'avait réveillé…

- Tu connais mon nom en plus !

- Je sais plus de chose que toi, en tous cas.

- Mais de quel appel tu parles ?

- Du grondement que tu avais poussé lors d'une mission avec une magicienne, je crois.

- Ah… Ce grondement… Je sais toujours pas ce qui m'a pris et pourquoi Evan et Wy faisaient semblant de ne pas l'entendre.

- Simple : elles ne l'entendaient pas. Seuls les autres Néants et les vieux dragons comme moi en sont capables.

- Je croyais que j'étais le seul Néant magique de la génération ? J'ai loupé un épisode ?

- Pas du tout. Mais il se peut qu'un autre être dispose d'un accès extrêmement restreint au Néant. C'est une grosse anomalie dans l'équilibre des forces du monde, mais on devrait s'en sortir. L'anomalie, pour le moment, c'est moi.

- Mmm…

- Bon, allez, y a du monde en haut qui est limite entrain de pleurer près de tes affaires.

- Mes affaires ? M*rde ! La bague !

Maintenant qu'elle était en vie, Rey ne pouvait se permettre de perdre le peu d'objets qui lui étaient chers, et encore moins l'anneau qui la liait désormais à son fiancé. Murtagh. Elle se retourna d'un bloc et couru vers la sortie, mais ses jambes étaient encore engourdies et ne lui obéissaient pas encore parfaitement. La grotte n'avait pas de "terrasse", aussi la Traqueuse eut du mal à freiner sa course et faillit tomber une fois encore dans la faible lumière du courant d'acide. Heureusement, la massive dragonne noire la rattrapa à pleines dents rien qu'en penchant le cou et la remonta.

- Fais gaffe avec tes dents ! Tu veux me bouffer ou quoi ?

- Ta gueule. C'est ma façon de penser : ne rien faire à moitié. Et en tant que frêle petite gamine suicidaire, tu es mal placée pour l'ouvrir.

Tordant légèrement le cou, le reptile posa la jeune femme sur son dos, entre deux pics d'ivoire plus espacés que les autres au niveau de ses deux épaules musclées. Resmey sentait la tension monter. Elle savait qu'elle et cette fichue dragonne allaient avoir des mots, et surtout des gestes.

- Je ne t'ai rien demandée !

La dragonne rugit fortement en claquant des mâchoires juste devant le visage ensanglanté et salé de la jeune femme, une étincelle mauvaise dans ses yeux dorés déjà guère rassurants.

- Si je n'étais pas intervenue, tu ne serais en ce moment même plus de ce monde, après avoir été lentement, très lentement dissoute dans l'acide ! Alors ferme-la et cherche pas les embrouilles ! On monte.

- …

La bi-centenaire arqua les pattes et se propulsa dans le gouffre, les ailes repliées contre les flancs pour plonger en piqué. Les vapeurs d'acide et de souffre faisaient tellement souffrir l'œil encore ouvert de Resmey qu'elle dû tenter de se protéger en se courbant juste à la base du cou de la dragonne. Celle-ci effectua une chandelle au ras de la rivière d'acide et battit farouchement des ailes à la verticale pour finir par émerger du gouffre comme un fléau sortant des ténèbres. Enfin, elle revint à l'horizontale pour se poser lourdement sur la falaise où étaient plantées les épées de la Traqueuse et où se tenaient les autres, soulevant des nuages de cendres et faisant trembler la terre des profondeurs.
Amochée, sale et fatiguée, un côté du visage en sang séché et l'autre parcouru de traces de sel, Rey tenta de se redresser tandis que l'énorme dragonne de six mètres de haut et de douze de long soufflait des naseaux en détaillant les trois singuliers humanoïde et l'étrange autre petite bête de fourrure qui semblaient si facile à écraser pour elle. Dans ses yeux d'ambre dansait toujours cette frissonnante étincelle de folie, quoiqu'elle puisse regarder. Une terrifiante masse de muscles, de cicatrices, de meurtres et de sagesse en observait la quatuor.

- Intéressant...

Almarane lança un regard interessé à Cibelule. Elle ne le connaissait pas, et aurait bien aimé savoir son nom...
Mais apparement, ça devrait attendre. Une énorme bourrasque se souleva, provenant du gouffre. Almarane s'aggripa à l'une des épées plantées dans le sol pour ne pas s'envoler. Quand la bourrasque s'arrêta, l'Elfe noire examina l'immense créature devant elle. C'était une Dragonne noire, à peu près aussi grande qu'Archibald. Sa tête était recouverte de cicatrices...
La jeune femme apperçut alors Rey sur le dos de la masse de muscles. Du sang poisseux mélangé à de la terre et du sel recouvrait son visage, et ses habits étaient vraiment très sales...
C'est alors qu'Archibald fit son entrée en scène. Dérapant sur le sol, il attérit à son tour, manquant de tomber dans le vide. Son regard bleu se posa tour à tour sur Almarane, Evangeline, Wyrdia, l'étranger, la Dragonne noire et Resmey. Après quelques secondes de doutes, les sourcils écailleux du Dragon bleu se froncèrent.
- Tiens tiens... Ne serait-ce pas le Dragonne du Néant ?
Almarane leva un sourcil.
- Euh..., dit-elle. Quelqu'un pourait nous expliquer ce qu'il se passe ?
- Cette Dragonne est bien spéciale..., expliqua Archibald. Elle est légérement plus agée que nous, et est liée au Néant Magique. Tu en as probablement entendu parler...
- Eh bien... non.
- Ce n'est pas trop grâve, éluda le Dragon. Toujours est-il que je ne t'avais pas vu depuis longtemps, Dragonne...
- Parce que vous vous êtes rencontrés.
- Si on peut appeller ça une rencontre... On s'est brièvement croisés quand on était très jeune. On devait avoir à peu près cinq ou six ans...

En temps normal, Rey aurait résisté tant bien que mal à la charge de sa soeur, différence de taille et de poids oblige, mais déjà qu'elle avait du mal à se tenir debout, un moustique aurait pu la mettre KO en une piqûre. Se retrouvant un peu plus dans les vaps sur le sol de cendres, la Traqueuse entrouvrit ses lèvres sales de stupéfaction, puis une larme prit l'un des nombreux chemins qui avaient déjà été tracés par sa chute et entoura la magicienne de ses bras maigres et sans force. Son odeur chaude et fleurie, son aura si apaisante, sa peau douce et ses cheveux pareils à des filaments de plume d'or... Dire que la plupart de ces choses appartenant à Evan lui avaient échappé, avant qu'elle ne tombe dans ce gouffre.

- Pardonne-moi de t'avoir mise dans un état pareil, soeurette...

Cibelule recula lorsque la dragonne se posa. Il resta à l'écart et écouta. Il lui semblait qu'au fond de lui, il était content que Rey soit en vie. Sans savoir pourquoi...

-...

Il ne semblait pas vouloir approcher et se mêler aux retrouvailles.

HRPG:court sorry mais pas d'idées complémentaires

Pendant qu'Evangeline étranglait presque Resmey, Almarane restait un peu à l'écart, souriant. Elle aurait aimé être capable d'un tel élan d'amitié mais, malgré les progrés qu'elle avait fait depuis son arrivée en Alagaësia et le soulagement qu'elle avait ressenti en voyant Rey, ce genre de comportement n'était pas encore un automatisme chez elle.
Pendant ce temps, Archibald restait à distance respectable de la Dragonne noire, réfléchissant. Il regarda Wyrdia grandir, même s'il savait éperdument que c'était totalement inutile.
Contrairement aux autres Dragons, Archibald pouvait utiliser ses cordes vocales pour parler. Ca faisait déjà un avantage sur la Dragonne. Mais cela ne lui servirai pas à grand chose s'il devait se battre contre elle...
Une vieille légende draconnique racontait que quiconque vaincrait la Dragonne du Néant serait sur le champ sacré Roi des Dragons, car tuer cette entitée était le plus grand exploit qu'un Dragon pouvait accomplir. Malheureusement, elle était trop forte, même Archibald le savait. Il devait attendre d'être plus puissant. Les Dragons de sa lignée étaient réputés pour pouvoir utiliser la magie, mais depuis le génocide contre son clan lancé par les Elfes noirs et sa fuite de Maknar, le Dragon bleu avait, tout comme son amie, perdu une grande partie de ses pouvoirs. Almarane avait pût en récupérer plusieurs car elle était devenue Dragonnière, mais lui, étant un Dragon Solitaire, ne pouvait pas jouir de cet avatange...
Mais il attendrait. Il attendrait encore et encore, des mois, des années, des siècles s'il le fallait, il patienterait jusqu'à être devenu suffisament puissant, et ce jour-là, il deviendrait le plus puissant de tous les Dragons...