L'elfe et l'ombre à Urû'Baen [PV Tyki]

Urû'Baen était plongée dans les noirceurs de la nuit. La lune, seule spectatrice de cette morne soirée, veillait depuis le ciel sur la capitale Impériale. Elle était un trait fin, rictus sinistre des étoiles enveloppées par une couche épaisse de nuages. Rien n'éclairait les ruelles sinueuses au dallage éclaté. Pas une seule lumière venant d'une maison voisine ne voulait sauver une petite impasse des ténèbres environnantes. Le silence régnait, pesant et effrayant. Toute la ville retenait son souffle pour assister à la scène qui allait se dérouler entre ses murs. Au bout d'une heure, des bruits de pas rompirent le calme inquiétant qui animait les rues. Deux gardes de l'Empire, tenant chacun à la main une torche, faisaient leur ronde dans la cité. Armés de lances, ils marchaient l'un à côté de l'autre sur la grande muraille encerclant la ville. Leur casque cachait une partie de leur visage sur lequel dansaient une multitude d'ombres causées par le feu embrasant leur torche. Les deux soldats finirent par se séparer afin de couvrir un plus grand périmètre. Quelques minutes plus tard, ils se rejoignirent sur la muraille sud-ouest.

- Tu as vu quelque chose ? Apparemment, ce n'est pas ce soir qu'il y aura un peu d'action... Comme ce boulot peut être ennuyant !
- A qui le dis-tu, se contenta de répondre l'autre garde, la tête légèrement baissée.
- Qu'est-ce qu'il y a ? D'habitude t'es plus bavard que ça...

Hésitant, le soldat s'avança d'un pas. L'autre, quant à lui, se mit à reculer en s'écartant un peu plus de la lumière diffusée par la torche. Cela éveilla aussitôt les soupçons du garde qui serra le manche de sa lance. Toutefois, il n'eut guère le temps d'attaquer qu'il se retrouva une lame de poignard sous la gorge. Une peur indicible se lisait dans son regard alors qu'il bégueyait des "pitié, ne me tuez pas" à n'en plus finir. Malheureusement, cela ne changea en rien les intentions de son aggresseur qui le tua quelques secondes plus tard. Son corps tomba lourdement à terre dans un fracas de métal. L'assassin, ainsi à l'abri des regards, retira le casque qui couvrait son visage, laissant apparaître celui d'une jeune femme aux traits fins. Elle semblait jeune et ses yeux de saphir auraient envoûté quiconque les aurait croisés. Soupirant faiblement, elle retira la lourde armure qu'elle portait et en posa les pièces à côté du cadavre. Sous cette tenue de combat, elle portait un juste-au-corps marron sans manche avec un pantalon noir. Chaussée de bottes de cuir, elle y dissimula le poignard qu'elle avait précédemment utilisé. Sur son bras droit, elle avait mit un bandeau de cuir. Ses cheveux étaient attachés en une simple queue de cheval qui fut rapidement recouverte par le capuchon de la cape bleue nuit posée sur ses épaules.

- Désolée, mais tu étais devenu un témoin gênant, déclara soudain la bretteuse en baissant la tête vers le corps sans vie à ses pieds.

Puis, reportant son attention sur ce qui se passait autour d'elle, Elenoy s'approcha du bord de la muraille. En dessous, s'érigeaient les maisons empiriennes ainsi que les différentes auberges. Heureusement, les quelques gardes qui traversaient les ruelles semblaient trop ennuyés pour remarquer quoi que ce soit d'anormal ce soir. Profitant de la situation, l'elfe sauta par dessus le muret et se laissa tomber à terre. Avec une agilité de félin, elle atterrit gracieusement sur le dallage de pierre. Elle venait d'arriver dans une petite impasse à proximité d'une auberge peu animée. Au moins, elle ne risquait pas de se faire repérer. Pourtant, par précaution, elle quitta cet entroit malfamé pour se retrouver au beau milieu de la rue. Discrètement, elle se plaqua contre les bâtisses et s'avança lentement en faisant en sorte de ne pas être vue par quelqu'un. Cependant, des échos de voix lui parvinrent alors qu'elle avançait dans leur direction.
Surprise, elle se dépêcha de changer de chemin pour se retrouver dans une petite ruelle qui ne dépassait pas un mètre de largeur. Comme les paroles des soldats lui devenaient de plus en plus disctinctes, la dragonnière s'engouffra dans ce passage sans perdre une minute.

*- Il s'en est fallu de peu. Je dois être plus vigilente à l'avenir si je veux m'en sortir vivante...*

Tandis qu'elle marchait lentement, inspectant le moindre recoin de cette ruelle, Elenoy entendit un bruit dans son dos. Sous son capuchon, ses oreilles d'elfe frémirent alors qu'elle prenait discrètement un poignard se trouvant dans une pochette de sa ceinture. Patiemment, elle attendit que l'inconnu fasse le premier pas...

- Désolé, mais vous pouvait rien faire contre ça. Quinte Flush Royale !

Les gens autour de la table se mirent à râler. Pour la dixième nuit consécutive, Tyki avait gagné au poker une somme colossale d'argent. Habillé avec son fidèle smoking et son chapeau, personne n'avait remarqué avec quel habilité il trichait, ou plutôt personne ne le pouvait. L'ombre avait commencé à tricher depuis si longtemps qu'il connaissait tous les trucs possibles et imaginables. Après avoir passé délicatement sa main dans ses cheveux, il remit son chapeau et sentit que la tension montait au sein de l'auberge. Les perdants voulaient se venger et ils voulaient le faire avec les poings. Tyki sourit, voila pourquoi il adorait jouer aux cartes dans les auberges les plus mal fréquentés de l'empire, c'était la garantie d'avoir une bonne bagarre à la fin. Il prit une carte et la fit tourner entre ses doigts en murmurant un sort la rendant aussi tranchante que l'épée d'un elfe. Lorsque le premier perdant s'approcha avec sa hache pour le menacer, il la lança entre ses deux yeux. L'effet fut immédiat, il tomba mort. Loin d'effrayer les autres, cela leur donna un nouveau prétexte pour attaquer l'assassin. Les yeux de Tyki se mirent à briller, sa soif de combat aller être rassasié ! Il prit la hache qui se trouvait à ses pieds et se baissa pour éviter la lame de son assaillant avant de lui assigner un coup fatal en partant de son organe le plus précieux et en allant jusqu'à son cœur. Il s'élança vers le second et lui coupa la tête avant de couper les jambes du dernier. En affichant un grand sourire, l'Ombre plaça la hache entre les deux yeux du malheureux comme pour viser alors que celui-ci hurler qu'il était le père d'un bébé qui venait de naître. Tyki prit son élan mais arrêta son geste juste avant qu'il ne soit trop tard. Il avait senti une odeur féminine qui sentait agréablement bon et qui ressemblait à une odeur qu'il avait déjà senti autrefois: c'était l'odeur d'une elfe. Mais qu'est-ce qu'une elfe pourrait bien faire à Urû'Baen, la capitale de l'Empire ?

Tyki sortit de l'auberge sans payer, de toute façon l'aubergiste avait fui depuis longtemps, et suivit les pas et l'odeur de l'inconnue jusqu'à ce que celle ci le remarque. De toute façon, Tyki n'avait pas l'intention de se cacher. Il avança un peu et s'adossa contre le mur, repassant encore une fois sa main dans ses cheveux et en ajustant son chapeau.

- Et bien... Je suis surpris de rencontrer un membre du Beau Peuple ici. Un membre féminin en plus... Vous ne devez pas être quelqu'un d'ordinaire pour avoir pu venir jusqu'ici, je me trompe ?

Bien que cela passe inaperçu, Elenoy fronça aussitôt les sourcils en entendant les paroles de l'homme derrière elle. Méfiante, elle restait de dos, essayant de savoir à qui elle avait à faire. A première vue, ce n'était pas un soldat empirien. Il était arrivé sans qu'elle s'en rende compte, ce qui était impossible pour un simple garde d'Urû'Baen. De plus, il parlait avec une certaine éloquence et l'avait tout de suite reconnue en tant qu'elfe. Etait-il donc un simple humain ? La jeune femme finit par en douter. Sa voix ne lui disait rien et ses propos l'empêchaient d'être un dragonnier. Quant aux elfes, ils avaient d'ordinaire interdiction de s'aventurer dans la capitale impériale. C'était un endroit beaucoup trop dangereux où étaient terrés les nobles de l'Empire. Alors qu'elle réfléchissait aussi vite que son esprit le lui permettait, un mot lui vint, un seul. Ombre.
Ses doigts se crispèrent sur le manche du poignard qu'elle tenait toujours. La tête légèrement baissée, elle l'inclina légèrement sur le côté sans pour autant croiser le regard de son interlocuteur. Que lui voulait-il ? Après tout, les ombres n'avaient pas bonne réputation. Il était normal que la bretteuse soit sur ses gardes.

- Je ne tiens pas à savoir comment vous pouvez ainsi reconnaître ma race sans même voir mon visage, maître ombre, souligna-t-elle avec une pointe d'ironie. Toutefois, cela ne devrait pas tellement vous surprendre de voir une elfe en ces lieux. Après tout, les espions existent partout.

Un sourire discret aux lèvres, la reine juvénile se tourna vers l'ombre. Elle le détailla longuement, observant autant son visage que ses vêtements. Porter de tels habits n'était pas courant, au contraire mais il montrait au moins une certaine richesse. Sa peau était sombre et ses yeux avaient une couleur particulière : le jaune. Cela donnait l'impression que deux iris dorés vous fixaient d'une étrange façon. Néanmoins, cela n'impressionna pas l'elfe qui restait immobile, telle une statue de marbre. Son propre visage était toujours soigneusement dissimulé dans l'ombre du capuchon bleu nuit. A cause du faible éclairage, elle se fondait aisément dans la pénombre de cette minuscule allée. D'ailleurs, se souvenant de l'endroit quelque peu insolite où ils se trouvaient, Elenoy se demanda ce qu'un ombre comme lui pouvait bien faire ici.
Néanmoins, elle n'eut guère le temps de se poser d'autres questions plus longtemps. Des bruits de pas devant elle attirèrent son attention. Apparemment, les soldats de tout à l'heure avaient fait demi-tour. Ils revenaient dans leur direction et n'allaient sûrement pas tarder à les voir dans la ruelle. Afin d'éviter ce petit désagrément, la jeune femme reporta rapidement son attention sur son interlocuteur.

- Pardonnez-moi, mais je risque de graves ennuis en restant ici.

Tandis qu'elle parlait, un vent se leva, venant se glisser sous sa capuche. Cette dernière se souleva alors sournoisement, découvrant son visage et ses yeux d'un bleu envoûtant. Néanmoins, le sourire de ses lèvres disparu. Elle reposa immédiatement son capuchon, bien que cela ne soit plus nécessaire. Aussitôt, elle fit demi-tour et commença à s'éloigner.

Un espion ? Lui qui pensait que ce genre de personne se cachait mieux que ça... Si ce n'était là qu'une personne qui cherchait des informations sur l'Empire, peut-être qu'il devrait laisser faire. Toutefois, il se demandait si il s'agissait vraiment d'une simple espionne. Même pour un elfe, il fallait redoublait de prudence dans la capitale où habitait le Roi. D'ailleurs, on entendait les bruits des soldats qui se rapprochaient dangereusement pour l'elfe. Alors qu'il allait rebrousser chemin, il put voir le visage de l'elfe grâce au vent qui fit tomber le capuchon. Tyki fut surpris et ouvrit grands les yeux. Il avait déjà vu ce visage quelque part, mais où? La silhouette s'éloigna progressivement quand l'Ombre se souvint. il avait vu ce visage dans la mémoire de Let lors de leur affrontement. Il essayait d'empêcher Tyki de se rendre dans le royaume des elfes et pensa un cours instant à cette personne. Serait-ce une personne de haut rang ? Dans ce cas, il ne fallait pas la laisser partir, mais faire en sorte qu'elle ne se doute de rien. Attendre et encore attendre le meilleur moment pour agir. Tyki apparut soudainement devant la mystérieuse elfe avec un sourire gentil sur son visage.

- Avez-vous besoin d'une escorte ? Les rues de la capitale sont assez dangereuses la nuit, surtout pour une espionne...

Le bruit des soldats se fit de plus en plus proche, il aurait été idiot de refuser une aide à ce moment là. Sauf si ce que suspecte Tyki est vrai, et dans ce cas, elle ferait mieux de refuser...

Elenoy ne fut pas mécontente de laisser l'ombre derrière elle. Aussi loin qu'elle se souvenait, on lui avait toujours apprit à se méfier de ces créatures pour le moins imprévisibles. Rares étaient les ombres doués de bonnes intentions, et c'est pourquoi elle ne chercha pas à rebrousser chemin. Celui-ci là l'avait intriguée, ne ressemblant pas au portrait typique de son clan. D'ordinaire, ils étaient moins... galants à cause de l'esprit qui les habitait. Néanmoins, ce n'était qu'une impression, la jeune femme le savait pertinemment. Une seule inattention et elle pouvait se retrouver transpercée par une épée. De plus, la ville dans laquelle il avait sûrement élut domicile n'était pas en sa faveur. Qu'il ai rejoint les rangs de l'Empire ne l'aurait pas étonné. Toutefois, la dragonnière lui avait clairement dit qu'elle était une espionne, ce qui aurait put être une erreur. Si elle avait daigné le lui avouer, c'est à cause des paroles qu'il avait prononcé. Après tout, les elfes n'étaient pas réputés pour être les partisans de Galbatorix.
Tandis qu'elle pensait à tout cela, la bretteuse traversait toujours ce petit passage qui n'en finissait plus. Où allait-elle donc déboucher ? Mais soudain, elle fut coupée court dans ses pensées lorsque l'inconnu apparut face à elle, un sourire amical aux lèvres. Cela la surprit et l'obligea à s'arrêter net et à reculer d'un pas. Haussant un sourcil, elle fut sceptique devant la proposition de l'ombre. La tête légèrement baissée, elle le foudroya des yeux en réfléchissant à sa demande. Cependant, sa réponse fut rapide :

- Être escortée ne m'est pas nécessaire, sinon je ne serai pas venue seule ici. Être à deux est plus risqué et moins discret, souligna-t-elle en se décalant déjà.

Puis elle comprit pourquoi il lui proposait une telle chose. Les gardes se rapprochaient de plus en plus de leur position et elle se retrouvait donc coincée entre lui et eux. Et apparemment, si l'on écoutait bien, on entendait plus de deux paires de bottes marteler le dallage de pierre. Quelle chance... Soupirant faiblement, elle se tourna à nouveau vers l'inconnu qui la regardait toujours. Elle pouvait s'occuper de ces gardes ou même les semer sans grandes difficultées. Les bruits de pas n'étaient plus très loin et d'une minute à l'autre, l'avance qu'avait essayé de conserver la reine juvénile risquait de s'effacer d'ici peu. C'est pourquoi, déjà à gauche de l'ombre, elle s'avança en détournant les yeux pour ne plus le voir. Et alors qu'elle se trouvait juste à ses côtés, elle lui prit la main et l'entraîna dans sa course. Muette, elle se contenta de courir aussi vite que possible sans lâcher l'ombre. Ses mains étant recouvertes par des mitaines de cuir, il ne risquait pas d'apercevoir sa gedwëy ignasia par inadvertance.
La ruelle n'en finissait plus et il semblait à Elenoy qu'elle s'étirait sur encore des mètres de long ! Sentir la main de l'ombre dans la sienne ne l'enchantait guère mais elle ne le laissa pas pour autant. S'il voulait l'accompagner, il allait devoir comprendre les conséquences de sa demande. Malheureusement, il s'avéra qu'il n'y avait pas de débouchée à cette longue estafilade de maisons. Ils devaient sûrement se trouver dans l'un des quartiers pauvres d'Urû'Baen où les demeures des gens étaient toutes alignées sur un seul petit passage et dont il n'existait qu'un seul accès. Se retournant vers les soldats qui se trouvaient juste en face d'eux, la dragonnière finit par lâcher l'inconnu qui s'était improvisé comme son escorte personnelle.

- J'espère au moins que vous savez vous battre, déclara-t-elle avec gravité en dégainant deux poignards acérés.

Tyki sourit. S'il savait se battre? L'Ombre n'avait fait que ça depuis le début de son existence. Il revenait en plus d'un entrainement sur La Crête pour pouvoir maîtriser toutes sortes d'armes avec son costume. L'espionne sera plus que satisfaite par ses capacités au combat. Il leva sa main droite et fit apparaitre son épée. Cette arme était fine et large avec une croix au milieu. Si l'épée à la couleur de peau de Tyki ne convenait pas à tous le monde, elle était l'arme idéale pour lui.

Les soldats aussi étaient prêts à se battre. Toutes les épées étaient pointaient sur les deux intrus. Si tous le monde était prêt au combat, pourquoi attendre plus longtemps pensa Tyki. Il s'élança vers le soldat le plus proche. Ce dernier réussi a parer mais ce n'était qu'une diversion, l'Ombre se téléporta derrière lui et planta son épée dans son dos, la faisant ressortir par devant. Quand il s'y mettait, un Ombre pouvait vraiment devenir très cruel et dangereux.
Il coupa ensuite la main droite du second soldat. Bien que celui-ci hurla, il profita que son adversaire lui tourna le dos pour sortir avec sa main encore valide un poignard. Tyki, sans même se retourner, murmura un seul mot.

- Blöthr !

Et le cœur du soldat s'arrêta aussi sec. Tyki fit tournoyer son épée et afficha un sourire machiavélique sur ses lèvres. A qui le tour ?

Cinq. Voilà combien de soldats se tenaient face à eux dans cette minuscule et sombre allée. Les deux premiers gardes, sûrement plus impulsifs, se ruèrent dans leur direction en dégainant leur épée respective. Prête à contrer le moindre coup, Elenoy ne porta qu'une brève attention à l'épée que venait de faire apparaître l'ombre. Elle serra inconsciemment les deux poignards qu'elle tenait et baissa la tête. Que ces hommes pouvaient être stupides... Les deux miliciens s'approchaient, certains de pouvoir régler leurs comptes à ces deux intrus. Un sourire de satisfaction se dessinait sur leur lèvres lorsqu'ils remarquèrent que leurs adversaires ne faisaient pas le moindre mouvement. Et soudain, alors que la jeune femme s'apprêtait à lancer sa première dague, elle vit l'ombre se téléporter derrière l'un des soldats. Sous la surprise, elle écarquilla les yeux et retint son geste qui, de toute façon, aurait été inutile. Elle observait le combat sans un mot, estomaquée. Et apparemment, les trois autres gardes semblaient totalement effrayés. Derrière son "partenaire", elle les voyait trembler de peur.
La dragonnière soupira faiblement, comprenant qu'il était temps pour elle d'intervenir. En effet, si les autres miliciens fuyaient, ils risquaient d'alerter la garde et là, elle serait dans une situation très peu enviable. L'actuel souverain de l'Empire ne devait pas être mis au courant de sa présence. Elle, la reine des elfes, à Urû'Baen... Cela deviendrait une véritable catastrophe.

Evitant agilement les deux corps étendus sur le sol, elle fondit sur le plus proche qui, par chance, parvint à bloquer l'arme qui s'abattait sur lui. Une vague de terreur se figea sur son visage lorsqu'il croisa les yeux d'un bleu envoûtant, nébuleux, qui le fixaient avec intensité. Tandis qu'il cherchait vainement à garder le premier coutelas à une bonne distance de lui, il ne vit pas l'autre poignard habilement dissimulé sous la cape de son opposante. D'un coup sec et bref, elle enfonça la courte lame dans son armure comme s'il s'agissait de couper du beurre. Rapidement, elle atteignit son torse et transperça son coeur. Le seul désavantage qu'elle trouvait à ces petites armes était qu'il fallait une plus grande précision pour les manier s'il on voulait tuer son adversaire à coup sûr. Néanmoins, ce n'était pas cela qui lui manquait. Calmement, Elenoy retira alors son poignard du corps de sa victime tandis qu'un autre courait vers elle afin de venger son ami. Il ne s'attendit pas à ce qu'elle se décale légèrement sur le côté et dérapa quelques mètres plus loin, ne pouvant arrêter son élan. Son adversaire profita alors de la situation et, se glissant dans son dos, lui trancha la gorge. Le sang ne gicla pas tellement la blessure était nette. Ces hommes n'étaient pas entraînés à combattre un ombre ou une elfe.

- Reculez sales démons, hurla le seul survivant qui reculait d'un pas, effrayé. Je vous défend de vous approcher de moi.
*- Si seulement c'était aussi simple que cela, ne put s'empêcher de penser la jeune reine.*

Mais déjà, le garde faisait demi-tour et fuyait le combat aussi vite que possible. C'était compréhensible, il ne faisait qu'essayer de sauver sa peau. Pourtant, un "letta" de la dragonnière l'immobilisa soudain, bien que cela ne soit pas nécessaire. Elle lui lança l'une de ses dagues et, alors qu'elle relâchait la magie qui le bloquait, le milicien s'écroula à terre. Il n'avait réussit qu'à parcourir une dizaine de mètres, tout au plus. Et déjà, les lumières des maisons avoisinantes s'allumaient une à une. Mieux valait ne pas rester ici plus longtemps...

C'était la première fois qu'Elenoy se déplaçait d'une telle façon et c'était... totalement contre nature. Son corps n'étant pas fait pour se téléporter, elle sentit sa tête tourner. Ses entrailles se contractèrent sous l'effet de la peur et cette simple téléportation parût durer plusieurs minutes alors qu'elle ne s'étendait que sur deux ou trois secondes. L'espace d'un instant, elle crut défaillir mais dès que ses pieds touchèrent à nouveau quelque chose, elle reprit ses esprits. Ses rèflexes reprirent le dessus et elle prit conscience de ce qui se passait. Ses lèvres étaient collées à celles de l'ombre, ce qui la surprit au plus haut point. Comment avait-il osé agir de la sorte ? Son sang ne fit qu'un tour et l'expression de stupéfaction qui se lisait dans son regard laissa place à une colère indicible. Posant ses deux mains sur le torse de l'ombre, elle le repoussa de toute sa force d'elfe. Il fut éjecté une dizaine de mètres plus loin, ce qui l'étonna. Il se retrouva sur un toit voisin à celui où elle se trouvait, ne semblant pas déstabilisé par son comportement ou son geste.
Enlevant la capuche qui recouvrait son visage, la dragonnière le fusilla de ses yeux de saphir. Et malgré la distance qui les séparait, elle fut certaine qu'il avait discerné son regard. La respiration haletante, elle ne quitta pas son "partenaire" en le fixant avec intensité.

- Puis-je savoir ce qui vous a prit ? Demanda-t-elle, furieuse. Je vous déconseille de recommencer ou même de me toucher jusqu'à ce que mon travail soit achevé.

Essayant de reprendre son calme, la bretteuse prit une profonde inspiration. Elle ne devait pas être aveuglée par la colère pour le bien de sa mission. Celle-ci paraissait simple au premier abord si elle ne s'était pas déroulée au coeur même de l'Empire. En effet, la reine juvénile devait juste voler des plans dans une caserne de l'armée installée à Urû'Baen. Toutefois, cet endroit était mieux gardé que la maison d'un noble de Dras-Leonas. C'est pourquoi Elenoy avait été choisie pour cette mission, étant l'une des dragonnières de la Confrérie. Elle avait accepté sans hésiter, mais aussi sans savoir sur qui elle allait tomber en s'infiltrant dans la ville. Las, elle s'assit sur le toit, bien que cela ne soit pas le lieu le plus approprié pour se reposer. Elle soupira faiblement, mettant son visage entre ses mains.

- Ce combat m'a trop ralenti, murmura-t-elle entre ses doigts. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire...?

Pourtant, la jeune femme ne pouvait se laisser abattre ainsi. Levant la tête, elle se redressa et se tourna vers l'inconnu. C'est alors qu'elle se rendit compte qu'elle ne savait toujours pas avec qui elle s'était associée. Qui était cet ombre mystérieux ? Reprenant son calme, elle s'avança pour le rejoindre. Sautant avec grâce sur l'autre toit, elle le rejoignit en un rien de temps.

- Pardonnez mon comportement maître ombre. Après tout, vous m'avez sauvé, dût-elle reconnaître contre son gré. Sauriez-vous où nous pourrions nous reposer pendant quelques heures ? J'ai bien peur de devoir rester ici plus longtemps que je ne l'avais prévu...

Tyki enleva la poussière qui se trouvait sur son nouveau costume et redressa son chapeau. Décidément, les elfes étaient bizarre. On les sauve et il ne disent même pas merci. Il est vrai que Tyki en avait profité pour l'embrasser bien que cela ne fut pas obligatoire, mais il ne voulait pas prendre de risques inutiles, car le baiser était encore le moyen le plus efficace de téléporter quelqu'un avec soi. A présent, l'elfe avait besoin de se reposer. L'Ombre ne se reposait jamais, il n'en avait pas besoin. Parfois il s'allongeait pour réfléchir, mais c'était tout. Le seul endroit où l'espionne pourrait se reposer était l'auberge à côté de la taverne de Daze. C'était la seul où il n'était pas encore aller. Ils pourraient donc être discrets.

- En effet, je connais un endroit tranquille où nous ne seront pas dérangés.

L'Ombre gentleman allait prendre la main de l'espionne pour se téléporter mais se rappela ce qu'elle dis tout à l'heure et finalement lui fit signe de le suivre. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas couru sur les toits, comme du temps où il était humain. Bien que là il était bien plus agile qu'à l'époque. Il accéléra un peu la cadence puisque l'inconnue arrivait à suivre. Une fois arriver, il remarqua à quel point il était tard, personne n'était dehors. Il ouvrit la porte de l'auberge et laissa entrer en première l'espionne, comme tout bon gentleman, avec le sourire.

- Les femmes d'abords, ma chère.

Contrainte, Elenoy suivit Tyki sur les toits d'Urû'Baen. Telle un chat, elle sautait de maison en maison avec une agilité surprenante. La cape posée sur ses épaules voletaient au moindre de ses sauts. Les yeux rivés sur son guide, elle avançait sans se soucier de l'endroit où elle posait ses pieds. De toute façon, il n'y avait aucun risque pour qu'elle tombe. Et si par malheur, cela arriva, elle serait capable de se réceptionner. Ses réflexes étaient toujours actifs malgré le combat qu'ils venaient de mener. Etant une elfe, la jeune femme ne souffrait quasiment jamais de fatigue. Si elle avait besoin de se poser, c'était pour réfléchir à un nouveau plan d'action. Car les cadavres des cinq gardes n'allaient pas passer inaperçu très longtemps. A cette heure, ils devaient déjà avoir été découverts par les citadins de la capitale. La sécurité allait être doublée et les gardes seraient encore plus méfiants. De plus, les deux corps gisant sur la muraille allaient donner un indice aux soldats : leur ennemi venait de l'extérieur. Tout cela n'était donc pas en faveur de la dragonnière. Cette dût d'ailleurs se resaisir afin de ne pas perdre l'ombre de vue.

En à peine quelques minutes, ils atterrirent devant une auberge. De toutes les demeures ou boutiques aux alentours, c'était l'une des rares à être encore éclairée. En bas, à travers une vitre, on remarquait un bar avec de nombreuses tables dont deux qui étaient prises. Le gérant de l'auberge, quant à lui, essuyait machinalement un verre avec un vieux torchon usé. La bretteuse s'apprêtait à rentrer quand l'ombre se décala pour la faire entrer en première. L'appellation "ma chère" lui fit hausser les épaules rapidement avant qu'elle ne reprenne une expression impassible. Ce n'était pas cela qui allait l'amadouer, qu'il le sache tout de suite. La reine juvénile pénétra alors dans l'auberge et se dirigea vers l'aubergiste qui fronça les sourcils en voyant cette nouvelle arrivante encapuchonnée. Tandis qu'elle avançait, Elenoy murmura un sort qui permirent à ses oreilles et à ses traits d'adopter un côté parfaitement humain. Retirant le capuchon, elle laissa alors découvrir un visage d'humaine mais qui ne perdait pas sa beauté.

- Une chambre pour deux je présume, déclara l'homme bourru avec un sourire en coin.
- Non, deux chambres simples s'il-vous-plaît, s'empressa de rectifier la jeune femme. Combien cela nous coûtera-t-il ?
- Hum... Pour la nuit le tarif c'est trente gallions par chambre.

Quelle arnaque ! Cette auberge n'était pourtant pas un lieu de luxe. Néanmoins, gardant ses remarques acerbes pour elle, l'elfe tira une bourse de sous sa cape. L'aubergiste l'empocha aussitôt, trop heureux de voir autant d'argent dans une même soirée. Il leur expliqua que dans le prix, un repas était compris. C'était déjà mieux que rien. Il leur indiqua ensuite l'escalier qui menait aux chambres. Celles qu'ils avaient étaient les deux dernières du couloir, ce qui satisfaisa la dragonnière. Une fois qu'ils furent tous les deux seuls devant les marches de bois, elle se tourna vers l'ombre et lui donna la clef de sa chambre.

- Je vous laisse vous débrouiller je présume. Si vous avez un problème, vous pouvez venir me voir dans ma chambre. Cependant... Seulement si cela est nécessaire.

Puis, sans en ajouter plus, elle monta les escaliers en adressant un dernier regard à l'ombre. Elle traversa le couloir, examinant les numéros qui étaient collés aux portes. Au bout de la treizième, elle glissa sa clef dans la fente de la serrure. Elle s'ouvrit, laissant apparaître une pièce avec seulement un lit, une table et une petite commode. Bah... Cela suffirait. Sans attendre, elle entra et ferma derrière elle. Enfin seule ! Elle disposa sa cape sur la table et s'allongea sur le lit.

Tyki prit la clé de sa chambre. Il était tombé sur la chambre en face de celle de l'elfe, la numéro 12. Une fois la clé tournée et la porte ouverte, il alla s'allonger sur le lit pas très confortable de l'auberge. Il repensa à cette espionne. Elle ne lui avait pas dit son nom. Dans la mémoire de Let, il s'agissait de quelque chose comme Alen... Eleonoy... Il n'arrivait pas à s'en souvenir exactement, mais ca lui reviendrait. Il pourra lui demander son nom plus tard. Pour l'instant, il se dirigea vers une table où on jouer aux cartes. Tyki se joignis aux hommes déjà présents pour faire quelques parties...

Tyki posa un sac rempli d'argent sur la table de sa chambre. Il avait encore gagné beaucoup d'argent aujourd'hui. Cela faisait une heure qu'il attendait. Il décida d'aller rendre visite à l'elfe. Bien qu'il eut toqué, il ne reçut aucune réponse de la part de sa voisine de chambre. Il essaya d'ouvrir la porte mais elle était verrouillé. L'Ombre décida donc de se téléporter et il trouva l'elfe allongé. Il se rappela qu'elle lui avait dit de venir seulement si c'était nécessaire, mais il avait la nécessite de connaitre son nom.

- Désolé de vous déranger, mais je venais rétablir quelque chose. En effet, je ne me suis pas présenté.

Il s'inclina en baissant son chapeau

- Je suis Tyki Mikk, et vous, comment vous appelez vous ?

Un peu de solitude fit le plus grand bien à Elenoy. Allongée sur le lit le plus inconfortable qui soit, elle réfléchissait au déroulement des événements passés. Rester une nuit de plus dans cette auberge était tout simplement impensable, voir risqué. Avec les assassinats perpétués, les gardes allaient sûrement fouiller chaque bâtisse, chaque recoin de la capitale. Et s'ils voyaient ses vêtements ainsi que ses armes, les soupçons se porteraient sûrement sur elle. Peu de femmes portaient des pantalons de combat en étant équipés de dagues d'une si belle manufacture. Sans compter celui qui était logé dans sa botte. Tout en restant allongée sur le lit, la jeune femme porta la main à ses chaussures. Elle en sortit un poignard de 15 centimètres, lame compris. D'un coup sec de son poignet, elle transforma l'arme en une lance toute de métal. L'argent qui la recouvrait brillait à la lueur de la chandelle posée sur sa table. Bien que toujours pensive, la dragonnière remit la lance en simple poignard qu'elle rangea à nouveau. Les mains derrière la tête, elle ferma les yeux afin de somnoler un peu.

Une heure plus tard, elle entendit quelqu'un frapper à la porte. Etait-ce l'ombre ? Aucun moyen de le savoir. De toute façon, la porte était fermée à clef. S'il souhaitait vraiment rentrer pour lui parler de quelque chose d'important, il n'aurait qu'à se débrouiller. C'est d'ailleurs ce qu'il fit, à son plus grand étonnement. Néanmoins, l'elfe se contenta de tourner la tête vers lui, l'expression aussi calme qu'ordinaire. Il était vrai que jusqu'à maintenant, ils ne s'étaient pas présentés l'un à l'autre. Les conditions les en avaient empêché. Mais la bretteuse devait-elle lui donner le sien ? Pour le moment, elle n'avait pas encore confiance en lui. En tant que reine des elfes, elle était assez connue et cela pouvait lui apporter des ennuis. Toutefois, même s'il savait à qui il avait affaire, cela ne changerait pas grand chose.

- Ravie de vous rencontrer, messire Tyki Mikk, déclara-t-elle en s'asseyant sur le rebord du lit. Mon nom est Elenoy Sindarì.

Cette fois, ses cheveux étaient détachés, tombant en cascade sur ses épaules. Calmement, la jeune femme se releva. Elle s'approcha du dénommé Tyki, l'observant avec attention. Jamais jusqu'à maintenant, elle n'avait vu d'ombre comme lui.

- Au fait, que faîtes-vous à Uru'Baen messire ? Vous m'avez aidé jusqu'à présent... Mais je ne sais toujours pas quels en sont les raisons.

hrpg: j'aurai bien fait plus mais tu veux plus que je fasse 30 lignes alors tant pis pour toi, nah !